jeudi 18 avril 2013

Ephémère


Éphémère

On aurait dit une ampoule cachée sous un carré de tissu blanc. L’âme flotta un instant, indécise, puis se dirigea vers l’arbre le plus imposant de la forêt. Son écorce se craquela, laissant une ouverture apparaître. L’âme s’y faufila, et la sève vint dissimuler à nouveau le trou. Le petit être se fondit alors dans le flux d’énergie qui montait des racines de l’arbre jusqu’à ses plus hautes feuilles. L’âme fut parcourue d’un frisson de joie. Elle arrivait enfin à la cime de son hôte. En symbiose avec une fleur, elle s’endormit, enveloppée par la tendresse de l’arbre.

Le lendemain, le petit fantôme s’éveilla trempé par la rosée. L’agréable sensation de fraîcheur n’altérait en rien la lumière qui brillait sous son voile léger. La fleur avait ouvert ses pétales et respirait le petit jour. L’âme se détacha de la conscience florale et quitta le grand chêne. Restant en altitude où l’air était pur et doux, elle survola les majestueux arbres et arriva à l’orée du bois. Elle se laissa finalement choir, traversa plusieurs nuages mouillés et se rattrapa avant de toucher les hautes herbes. Le terrain descendait en pente douce jusqu’à une falaise venteuse. Au-delà, la mer, d’un bleu profond tacheté d’éclats, semblait un immense ventre écailleux et immuable. Le fantôme lumineux courut entre les brins couchés par le vent et dorés par le soleil avant de s’arrêter au bord de l’à-pic rocheux. L’ourlet de son tissu frôla le vide.
Une langue d’eau jaillit alors de l’océan et vint happer la petite âme. Impuissante, elle se laissa entraîner sous les flots. La force l’obligea à couler vers le fond empli de ténèbres et de mort. Le fantôme tremblait de peur à l’idée de ne plus revoir la lumière du jour. Cette dernière déclina de plus en plus, jusqu’à ce que la seule source lumineuse fût celle émise par la petite âme. Enfin, l’étrange force se retira. Le poids de l’eau restait tel que, malgré tout, elle ne pouvait plus remonter. Sa propre lumière faiblissait, et l’âme crut être perdue à jamais.

C’est là qu’une langue d’air s’engouffra dans l’eau et se blottit tout contre la lueur faiblissante. L’enveloppant, la bulle remonta progressivement vers la surface. Elle éclot au contact de l’air, laissant la petite âme respirer de nouveau. Cependant, ce sauvetage avait un prix, et l’esprit fut changé en rose bleue. La rosée vint l’effleurer chaque matin jusqu’à ce qu’un jour, le dernier des pétales outremer échut sur la terre humide.

La fleur avait fané, la petite âme s’était envolée.




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