Éphémère
On aurait dit une ampoule cachée sous un carré de tissu
blanc. L’âme flotta un instant, indécise, puis se dirigea vers l’arbre le plus
imposant de la forêt. Son écorce se craquela, laissant une ouverture
apparaître. L’âme s’y faufila, et la sève vint dissimuler à nouveau le trou. Le
petit être se fondit alors dans le flux d’énergie qui montait des racines de
l’arbre jusqu’à ses plus hautes feuilles. L’âme fut parcourue d’un frisson de
joie. Elle arrivait enfin à la cime de son hôte. En symbiose avec une fleur,
elle s’endormit, enveloppée par la tendresse de l’arbre.
Le lendemain, le petit fantôme s’éveilla trempé par la
rosée. L’agréable sensation de fraîcheur n’altérait en rien la lumière qui
brillait sous son voile léger. La fleur avait ouvert ses pétales et respirait
le petit jour. L’âme se détacha de la conscience florale et quitta le grand
chêne. Restant en altitude où l’air était pur et doux, elle survola les
majestueux arbres et arriva à l’orée du bois. Elle se laissa finalement choir,
traversa plusieurs nuages mouillés et se rattrapa avant de toucher les hautes
herbes. Le terrain descendait en pente douce jusqu’à une falaise venteuse.
Au-delà, la mer, d’un bleu profond tacheté d’éclats, semblait un immense ventre
écailleux et immuable. Le fantôme lumineux courut entre les brins couchés par
le vent et dorés par le soleil avant de s’arrêter au bord de l’à-pic rocheux.
L’ourlet de son tissu frôla le vide.
Une langue d’eau jaillit alors de l’océan et vint happer la
petite âme. Impuissante, elle se laissa entraîner sous les flots. La force
l’obligea à couler vers le fond empli de ténèbres et de mort. Le fantôme
tremblait de peur à l’idée de ne plus revoir la lumière du jour. Cette dernière
déclina de plus en plus, jusqu’à ce que la seule source lumineuse fût celle
émise par la petite âme. Enfin, l’étrange force se retira. Le poids de l’eau
restait tel que, malgré tout, elle ne pouvait plus remonter. Sa propre lumière
faiblissait, et l’âme crut être perdue à jamais.
C’est là qu’une langue d’air s’engouffra dans l’eau et se
blottit tout contre la lueur faiblissante. L’enveloppant, la bulle remonta
progressivement vers la surface. Elle éclot au contact de l’air, laissant la
petite âme respirer de nouveau. Cependant, ce sauvetage avait un prix, et
l’esprit fut changé en rose bleue. La rosée vint l’effleurer chaque matin
jusqu’à ce qu’un jour, le dernier des pétales outremer échut sur la terre
humide.
La fleur avait fané, la petite âme s’était envolée.
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