Chapitre 1
Ça
a recommencé.
Je
m’y attendais cette fois-là, et du regard je défiais quiconque de faire une
remarque.
Megan
me dévisageait, estomaquée. Son regard allait de mon assiette désormais vide à
moi. Bien sûr, je n'y étais pour rien et je leur adressai un vague sourire
d'excuse. Dem scrutait mon visage, espérant sans doute comprendre le truc. Je
savais qu'il ne me lâcherait pas tant qu'il n'aurait pas eu une explication
rationnelle, ce que je n’étais pas en mesure de lui fournir. Je soupirai.
Maintenant que toute la bande était au courant, je devais trouver une excuse
avant le prochain Conseil. Encore, la disparition de Viki, notre souris, était
passée inaperçue : mais tout mon repas, c'était un peu dur à avaler. Nous
sortîmes de la cantine sans un mot.
Ces
disparitions incontrôlées commençaient sérieusement à m'inquiéter, d'autant
plus que je n'avais aucune idée de ce qui avait pu les provoquer. J'étais une
fille tout à fait banale, ni excentrique ni transparente, ni la première en
classe ni la dernière. Le teint pâle, brune, je m’habillais avec les vêtements
qui me tombaient sous la main et ne réfléchissais pas plus avant. Voyant mon
front se barrer d'un pli soucieux, Thyo m'adressa un sourire compatissant. Il
était le seul à qui j'avais tout raconté, depuis ce début de décembre
pluvieux...
J'enfile mon blouson. Je frissonne.
Il pleut. Je marche vite. Abritée sous l'arrêt de bus, je contemple mon souffle
trop rapide se condenser. Je monte dans le bus qui s'arrête en crachant sa
fumée âcre. Un arrêt plus loin, Thyo entre à son tour. Je me lève et m'agrippe
à la barre poisseuse pour lui dire bonjour. Ma main ne se referme que sur du
vide.
La barre de fer avait disparu dès
l'instant où je l'avais touchée.
Le
phénomène s'était souvent répété par la suite, que je touche directement ou
indirectement l'objet en question. Le savon de la douche s'était ainsi
volatilisé et ma copie de philo également, ce qui m'avait particulièrement
agacée. Le soir de cet incident, j'avais téléphoné à Thyo. C'était là qu'il
m'avait mis sur la piste, en me faisant remarquer que deux aspects faisaient de
moi une personne à part.
La
couleur de mes yeux et mon pendentif.
Depuis
près d’un an, notre petit groupe se retrouvait chaque jeudi soir pour un
Conseil. Après l'événement de la cantine, j'étais sûre d'être bombardée de
questions. C'est donc en traînant des pieds que je me rendis au vieux gymnase.
Galys était déjà là, le regard perdu dans le vague. Le reste de notre troupe,
composée de Megan, Dem, Effe et Thyo, arrivait souvent en retard. Je m'asseyai
silencieusement à côté de lui, si bien qu'il sursauta lorsque je lui demandai :
- Ça va ?
Il
se ressaisit, puis esquissa un sourire.
- Ça peut aller.
Galys
était brésilien d'origine, et ses parents étaient partis la veille pour voir de
la famille. Ils avaient confiés le jeune homme à sa grand tante, qui d'après ce
que j'avais compris n'était pas des plus agréables. Megan arriva, à mon grand
soulagement car je ne me sentais pas le courage de réconforter Galys. Grande,
blonde aux yeux d'un noir d'encre, Megan avait toujours été intimidante, et la
lumière tamisée du gymnase faisait ressortir cet aspect presque effrayant. Elle
sourit alors, d'une façon si sincère que je rougis d'avoir pu penser qu'elle
allait nous saluer d’un ton hautain. Galys lui rendit son sourire, radieux.
Megan s'allongea alors à même le sol et ferma les yeux.
- Tu sais que Dem s'est résolu à rater
son cours de maths intermédiaires pour venir, Maëlys ? J'espère que tu as une
explication valable pour ce midi, sinon...
Elle
eut un petit rire, les yeux toujours clos.
Sa
déclaration me replongea dans l'inquiétude. Je ne savais toujours pas ce que
j'allais dire, et j'attendais l'arrivée de Thyo avec impatience.
Malheureusement,
le suivant à pousser la porte fut Dem. Je me fendis d'un long soupir à son
intention. Il comprit aussitôt et ne posa pas de question. Je lui adressai un
sourire empli de gratitude. Le silence s'étira longuement avant que n'arrivent
Thyo et Effe. Cette dernière se prit le pied dans la porte et s'étala de tout
son long.
Dem
leva les yeux au ciel, résumant à peu de chose près ce que tout le monde
pensait. Effe était quelqu’un de très distraite. Thyo la remit sur pied, puis
ils vinrent s'asseoir à nos côtés. Le calvaire commença. Je me vis obligée de
décrire par le menu comment j'avais réussi mon tour de magie. Dem ne me
facilitait pas la tâche, il ne cessait de critiquer toute explication
illogique.
- J’ai simplement profité d’un moment
où personne ne me regardait pour vider son assiette dans le Tupperware que
j’avais ramené exprès.
- Et pourquoi tu aurais fait ça ?
- C’était une blague, je voulais voir
votre réaction, c’est tout, me justifiai-je.
- Et qu’est-ce que tu as fait de la
nourriture ?
- Mon chien a tout mangé, fis-je avec
un petit rire.
- Maëlys... Tu n’as pas de chien.
Je
m’empourprai violemment.
- Je voulais dire, le chien du voisin.
Je
lui jurai plusieurs fois que c’était la stricte vérité, rougissant néanmoins
lorsque je croisais le regard de Thyo. Enfin, ne trouvant plus d’argument, Dem
cessa de me questionner, en me jetant toutefois des coups d’œil suspicieux de
temps à autre. La discussion put reprendre son cours habituel, soit discuter de
tout et de rien. Malgré tout, la conversation s'orienta sur la magie et Galys
en profita pour glisser une plaisanterie sur mon exploit de ce midi. Dem reprit
alors son air sérieux, qui ne le quittait jamais vraiment, et exposa son point
de vue scientifique sur ce qui n'était « qu'un vaste charabia ». J'avais
l'impression qu'à tout moment, l'un d'eux allait trouver une faille irréfutable
dans mon explication. Fort heureusement, ce ne fut pas le cas, et je me joignis
au débat avec plaisir.
Thyo
et Effe rentraient ensemble car ils étaient demi-frère et sœur. Quant à moi,
j’avais un bus à prendre avant de retrouver ma chambre bien aimée.
Je
vissai mon casque sur mes oreilles et m'enfonçai dans la rue sombre. "Feeling
good" résonnait dans mon crâne, sentiment que j'étais pourtant loin
d'éprouver. Le 220 avait quelques minutes de retard. Je trouvais une place au
fond. Une dame d'un certain âge vint poser son cabas à côté de moi. Mon regard
glissa sur son carnet de notes. Je ne pensais pas à mal : sur le moment,
c'était juste une vague d'ennui qui m'avait saisi. Son écriture brouillonne
recouvrait les pages. Çà et là, un croquis venait agrémenter les feuillets
jaunis. Je me lassai vite cependant : les pattes de mouche à l'encre brune
étaient illisibles. Je reportai mon attention sur la vitre sale. Je vis alors
dans le pâle reflet qu'elle renvoyait le visage de l'ancienne tourné vers moi.
Je fis volte-face.
Son
carnet s'était volatilisé.
Je
descendis à l'arrêt suivant.
Je
repensais à ce qu'avait avancé Thyo. C'était vrai que ces disparitions avaient
commencé peu après que j’eus retrouvé mon collier, mais de là à dire que
c'était ce qui les avait provoquées...
Je
soupirai de nouveau. La journée avait été longue.
La
porte de l’appartement s’ouvrit sans bruit. Je retirai les clés de la serrure
et les posais sur le meuble de l’entrée. Ma mère n’était pas encore rentrée. Je
posais mon lourd sac au pied de mon lit, sur lequel je m’étendis avec plaisir.
Je
faisais tout sur mon lit : travailler, manger, écouter Muse et même -parfois-
dormir.
Ma
chambre, c’était mon petit havre de paix, sans lequel je ne pourrais supporter
certains jours gris et monotones. Cali, mon chat, vint se lover sur mon
oreiller. Je lui grattouillai le ventre d’une main distraite. Le minet blanc
ferma ses yeux, qu’il avait vairons. Comme moi, il avait l’œil gauche noir et
l’autre vert.
Péniblement,
je me redressai et attrapai mon agenda. De l’anglais et des maths.
Je
le laissai retomber.
Je
sentis l’odeur de la cigarette avant d’entendre la porte se refermer. Le bruit
du frigo qui s’ouvre, le vin versé dans un verre qui s’entrechoque avec la
bouteille, le soupir de satisfaction ; je devinais sans peine le sourire las
qui devait étirer les lèvres de ma mère.
Je
toussai. Je me promis de ne jamais fumer en présence de mes enfants, plus tard.
Le
jour suivant était le 21 décembre 2012.
La
fin du monde pour quelques superstitieux ou fanatiques, un jour comme les
autres pour moi et le reste du monde.
En
effet, ce fut un jour sans cataclysme majeur, excepté la giclée de pamplemousse
qui m’atterrit dans l’œil à midi.
Galys
semblait vraiment mal ce jour-là. Il n’avait pas souri une seule fois. Megan
était restée distante avec lui pour je ne sais quelle raison, ce qui l’avait
encore plus abattu.
Jeudi,
il ne vint pas au Conseil. J’en profitais pour avouer mes impressions aux
autres. Confirmées par mes quatre amis, ces convictions me poussèrent à aller
le voir dès le lendemain.
Il
était absent.
Je
sentais un mauvais pressentiment me ronger davantage de jour en jour. Lundi, la
directrice entra dans notre salle de sciences physiques. Le visage grave, elle
annonça que Galys n’était pas rentré chez lui jeudi. Je n’en écoutais pas plus.
Je
sentis un gouffre béant m’aspirer. Et si c’était ma faute ? Si, à l’instar de
mon savon ou du carnet de l’aïeule, je l’avais fait disparaître ? Une nausée
intense me prit. Le cœur au bord des lèvres, je sortis de la classe sans un
regard en arrière.
Je
m’écroulais quelques mètres plus loin.
***
La
lumière vive agressa mes yeux, c’est pourquoi je les refermai aussitôt. Lorsque
je les rouvris, la première chose que je vis fut Effe. Sa silhouette frêle
était assise sur un tabouret. Ses yeux bleus si clairs qu’on aurait dit de
l’eau de source et ses cheveux blonds presque blancs lui donnaient l’air d’un
fantôme.
«
C’est elle qui devrait être allongée dans un lit d’hôpital », songeai-je en
détaillant la petite albinos.
À
cette pensée, je compris où j’étais et me redressai d’un coup. Effe me
rallongea aussitôt, persuadée que j’étais victime d’une crise de somnambulisme.
Je me laissai faire.
«
Qu’est-ce que je fais ici ? » me demandais-je.
Je
me souvins alors que l’absence de Galys m’avait bouleversée. Je tournai la tête
vers Effe et murmurai :
- Galys... Il est revenu ?
Surprise,
elle me dévisagea tout d’abord sans rien dire. Puis elle me répondit de sa voix
douce, presque inaudible :
- Oui, ne t’en fais pas…
Je
croisai mes bras derrière ma tête et fixai une tache au plafond.
- Je suis ici depuis longtemps ?
- Trois heures…
- … Mon sac ?
Elle
se baissa et me le tendit. Je l’ouvris et en sortit la montre à gousset avec
soulagement.
Au
moins quelque chose qui n’avait pas disparu.
Je
sentis le regard curieux d’Effe sur moi, mais je préférai ne pas répondre à sa
question muette. Je me l’attachai dans le cou distraitement.
Une
infirmière à l’allure d’institutrice entra dans la pièce.
- Vous êtes réveillée ? Parfait. Vous
êtes en forme, j’espère ? enchaîna-t-elle d’un ton sec par-dessus ses lunettes.
- Hem… Et bien, je suppose que oui,
répondis-je poliment.
- Parfait, répéta-t-elle. Levez-vous.
- Comment ? demandai-je naïvement.
- J’ai dit ; debout !
Elle
leva les yeux au ciel, comme si elle avait affaire à une débile mentale. Je
m’apprêtais à lui répliquer une phrase bien sentie, quand Effe me coupa dans
mon élan :
- Je vais t’aider, attends.
Elle
lui adressa un de ses sourires pastel.
J’aperçus
l’ombre d’une hésitation frôler le visage dur de la femme en blanc. Je ne pus
m’empêcher de sourire à l’idée que la mégère puisse avoir été froissée.
Heureusement, elle me tournait le dos.
Je
me levais péniblement, avec la nette impression que le drap chaud m’attirait.
L’infirmière
aimable comme du pain rassis se nommait Marjolaine, d’après l’étiquette de sa
blouse. Elle me conduisit vers une porte titrée « Dr Pavelec ». J’entrai après
un dernier sourire rigide pour l’infirmière.
Le
Dr Pavelec se révéla aussi actif qu’un coulis sirupeux. J’attendis dans la
pièce une vingtaine de minutes, le temps qu’il s’y retrouvât dans ses dossiers.
Un certificat médical et quelques excuses embrouillées plus tard, je retrouvai
Effe assise là où je l’avais laissée. Elle m’adressa un sourire poids plume, et
se leva.
Marjolaine
nous raccompagna jusqu’à la porte d’entrée, un air courroucé sur le visage car
Effe ne se souvenait plus du chemin.
- Deux idiotes ignares me font perdre
mon temps, marmonnait-elle après que le docteur l’eut instamment prié de nous
ramener. Quelle journée, mais quelle journée alors !
- Au revoir, Mademoiselle, remercia
Effe d’une légère inclination de la tête.
Marjolaine
cramoisit.
- Quel toupet !
Effe
avait déjà clôt la porte derrière nous.
***
Après
être sortie de l’hôpital, je pus enfin poser à Effe la question qui me brûlait
les lèvres ;
- Dis… Pourquoi Galys n’était pas là,
en fait ?
- Ah… c’est vrai, excuse-moi de ne pas
te l’avoir dit plus tôt.
Elle
prit alors une mine songeuse.
J’attendis
quelques instants, puis, devinant qu’Effe avait déjà oublié ma question, je la
lui reposai.
- Ah oui, il était parti pour la soirée
chez Craig et il avait juste oublié de prévenir sa tante, qui a cru à une fugue.
Comme il n’était pas au Conseil à cause de ses révisions et qu’il ne nous avait
pas avertis non plus, c’était dangereusement cohérent.
Pas
de quoi s’évanouir, hein ?
Un
éclat de malice brilla dans ses yeux.
Je
souris brièvement, mais le cœur n’y était pas.
Nous
arrivâmes devant la porte de mon immeuble. Effe me sourit une dernière fois,
m’adressa un geste vaporeux de la main et s’éloigna de son pas léger. Je montai
au deuxième étage et toquai à la porte de l’appartement. Pas de réponse…
Je
poussai la porte : elle était ouverte.
Ma
mère était lardée sur le canapé, deux bouteilles de bière alignées sur le sol.
- J’étais à l’hôpital, l’informais-je
tout en sachant le peu d’importance que cela pouvait avoir à ses yeux.
Je
m’allongeai sur mon lit avec un soupir. Cali vint se réfugier sur mon ventre et
ronronna. Je le regardai affectueusement et lui caressai la tête.
- Chips ? lançai-je.
Cali
bondit hors de ma chambre et fila vers la cuisine. Il revint avec le paquet
rouge vif qui devait traîner sur la chaise, et attendit patiemment que je
l’ouvris pour ensuite enfouir sa tête dedans. J’en pris une bonne poignée avant
de le reposer sur le lit, connaissant la gourmandise du vorace félin.
Le
lendemain, je descendis en trombe les 65 marches qui me séparaient de la porte
de l’immeuble. Aujourd’hui, le lycée avait organisé une sortie à Paris où nous
allions visiter les catacombes puis le musée Grévin, lieux qui m’avaient
toujours fait rêver.
Le
bus était –exceptionnellement– à l’heure et je descendis avec hâte. Je
rejoignis ma classe et retrouvai Megan en train de discuter avec Thyo. Je
ressentis avec étonnement comme une pointe de jalousie. Galys était en
Terminale ES et Effe en L, par conséquent ils ne faisaient pas partie du
voyage. Je m’avançai vers eux et, agissant sur une impulsion soudaine, pris
Thyo par le bras.
- Alors, content de me revoir ?
lançai-je bêtement.
Le
pauvre ne sut plus quoi faire pendant un instant, puis il reprit son calme
habituel et se dégagea doucement.
- Oui, bien sûr. Effe est venue te voir
là-bas, n’est-ce pas ?
- Tu n’as pas eu trop mal ? s’enquit
Megan.
Non,
bien sûr je n’avais pas eu mal. Je perçus alors mon immaturité et baissai les
yeux. D’un geste de la main, Thyo me fit comprendre qu’il m’avait déjà
pardonné.
Le
car arriva. Je n’eus pas le loisir de culpabiliser plus longtemps, Nera Zimmer
s’étant assise à côté de moi. Cette fille avait le don de pouvoir parler des
heures durant tout en relançant son interlocuteur afin qu’il ne s’endorme pas.
Après
avoir eu droit à cinq ans de sa vie, je fus délivrée par le souffle d’air
expulsé de la soupape annonçant l’arrêt du car. Les lycéens descendirent avec
le brouhaha caractéristique d’élèves en sortie.
Le
CPE nous demanda de nous ranger par groupes de cinq, je me mis donc naturellement
avec Megan, Dem et Thyo. Nera se greffa au groupe, persuadée qu’elle était «
absolument indispensable pour nous décoincer un peu ».
Je
croisai le regard de Thyo et lut sur son visage l’expression que je devais
afficher en ce moment même, soit un mélange de résignation et d’indifférence.
Le
sens de la visite était indiqué, nous n’avions qu’à suivre un trait de peinture
noir qui courait le long de la voûte, audio-guide à la main. Le mien était
fourré dans ma poche, mais Dem et Nera étaient pendus au leur –au moins, elle
se taisait.
Je
pris la tête de notre petit groupe. Un courant d’air froid me glissa dans le
dos. Je frissonnai. Je ne savais ce qui, de la lumière tamisée, du silence
pesant ou des alignements de crânes me donnait cette impression, mais je me
sentais épiée.
Le
lieu était oppressant, et je commençai à me sentir réellement mal à l’aise.
Thyo me dévisagea sans rien dire.
Brusquement,
les lampions au mur s’éteignirent. Une terrible angoisse me serra alors le
cœur. C’était une peur totalement inexplicable, et que je savais sans
fondement, pourtant je ne pus m’empêcher de gémir faiblement. Nera bavassait,
se plaignant contre « les installations qui datent du siècle dernier », Megan
éclairait devant nous avec son portable, suivant la ligne noire au plafond. Ma
vue se troubla, et je glissai le long d’un mur fait de tibias et de crânes.
Thyo s’accroupit à côté de moi :
- Ça va aller ?
Je
hochai la tête dans la pénombre. Il m’aida à me relever, et un sentiment de
bien-être m’envahit à son contact. Nous revînmes dans une salle éclairée. Dem
alla signaler l’incident technique au professeur présent, puis nous rejoignit.
Le
reste de la visite se passa sans problème, malgré le trouble qui me tenaillait
toujours.
Après
qu’ils eurent scrupuleusement vérifié que nous n’avions pas arraché un os ou
deux aux catacombes, et qu’on leur eût rendu leur audio guide, les employés
nous guidèrent vers la sortie. J’étais pressée de retrouver l’air frais de
l’extérieur.
La
lumière du jour était éblouissante. Je mis ma main en visière. Je sentais
vaguement que Thyo fixait ma nuque. Je me retournai vers lui en haussant un
sourcil. A son air inquiet, je compris qu’il avait peur que je ne refasse un
malaise. Je le rassurai d’un sourire confiant. La visite du musée Grévin prévue
le lendemain me mettait de bonne humeur.
Nous
mangeâmes un sandwich durant le trajet. Thyo s’était mis à côté de moi. Nous ne
parlâmes pas, mais il me prit la main tendrement comme pour me rassurer. Son
geste me fit oublier ce qu’il s’était passé dans les souterrains, et pour la
première fois depuis plusieurs semaines je me sentais vraiment bien.
Le
bus nous emmena à l’auberge de jeunesse dans laquelle nous allions dormir. Le
bâtiment était sobre et neuf, les professeurs nous laissèrent nous répartir
dans les chambres de trois.
Megan
et moi, ne trouvant pas d’autre fille voulant de nous, nous retrouvâmes
séparées.
J’étais
avec deux populaires qui ne pensaient qu’à Maxence, et leur stratégie pour
percer ses défenses m’endormirent aussi bien que l’aurait fait un discours de
Nera.
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