Regrets
Au départ je n’avais pas compris que tu étais l’homme de ma vie. Ce n’est que depuis ton départ que tous les regrets du monde m’assaillent. Au départ ce n’était qu’un jeu, je ne pensais pas que tu tomberais amoureux. Quand à mon tour je t’ai aimé, c’était trop tard : tu partais.
Et tu m’as rayé de ta vie, brutalement : je ne représente plus rien pour toi. C’est peut-être le plus difficile à accepter. Effacée, balayée comme on oublie un bourdonnement gênant. Meurtrie, désincarnée : c’est tout ce qu’il reste de moi. Un cœur en miettes qui se raccroche à une poignée de souvenirs : un sourire, un geste tendre. Ne vois-tu pas les pièces de mon âme errer dans la nuit ? Ne crois-tu pas que me renier est un acte d’une violence inouïe ? Ne sens-tu pas comme mon être est mortifié, à une pensée de la tombe ?
Mon amour se dresse contre moi-même : laisse-le vivre en paix, laisse-le être heureux à son tour, me souffle-il, sachant pourtant quelles souffrances cela implique pour lui. Garde au creux de toi ce qu’il t’a apporté, bénis ces moments heureux et tourne la page. Il ne veut plus entendre parler de toi ? Participe à son bonheur, écarte-toi de son chemin. Ce n’est pas si difficile, m’encourage-t-il, tu verras.
Mais je ne peux pas tourner la page. L’amour est là, inassouvi, frustré. Il se débat dans les tourments de mon essence. L’envie de te revoir se fracasse sur l’avènement de ton bonheur. Égoïste, passionné, mon cœur se déchire. Lambeaux en cage, il n’est plus. Mon corps ne suit plus. La vie me quitte lentement, progressivement, sans même que je m’en rende compte. Mes proches s’alarment, le bataillon est formé pour me remonter le moral. Je ne peux pas remonter. Un gouffre m’entraîne : le vide de ton absence. Au départ, je n’avais pas compris que tu étais l’homme de ma vie.
Et maintenant c’est moi qui suis partie.
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