Triptyque
Entre ciel
et mer
C’est un couvercle qui enferme
les plus noirs secrets avec les sincérités les plus cristallines. Toit du
monde, frontière à nos rires et à nos peurs, il est immuable et changeant. Au
gré de ses humeurs, tour à tour nous subissons orages et canicules, bleu clair,
noir et blanc. Il est contemplé le jour pour ses moutons épars, admiré la nuit
pour les étincelantes larmes percées dans sa voûte. Sans réelle réalité mais
pourtant visible par tous, c’est là le paradoxe inconscient des pensées
incertaines. Si on l’ôtait, peut-être pourrait-on comprendre notre
insignifiance rapportée à l’univers. S’il se décrochait, peut-être
étoufferait-il nos névroses. Mais il reste en place, muré dans son silence.
Quel secret cherche-t-il à nous cacher ? Jusqu’où la vérité nous est-elle
dévoilée ? Il faut déchirer ce tissu azur pour enfin savoir et connaître.
En lisière du ventre froid et cruel, il se scinde en horizon, ligne à jamais
lointaine. Il se contemple dans cet éternel miroir qui renvoie sa toge rose et
irisée du soir. Sa loyauté sans faille jusqu’à la fin les étoiles soutiendra.
Que notre esprit reste ouvert,
même s’il est emmuré.
Il est posé sur une fine ligne,
entre deux bleus, l’un clair, l’un sombre. Immaculé, il marche tranquillement
sur le fil, il vaut mieux ne pas sombrer. Tout est dans l’équilibre, un faux
pas et il sait ce qui alors surviendra. Il avance ainsi, frêle coquille qui
caresse les flots. Sous son apparence fragile, il dissimule sa puissance. Doucement
il s’enivre de sa vitesse, il court maintenant, il fend le ventre en deux, se
joue des dangers et rit de son propre maître. L’inconscient ne voit pas surgir
l’ombre camouflée. Il déploie ses ailes de plus belle, croit s’envoler ;
quand le récif le fait revenir à la dure réalité. Entre ciel et mer, acculé il
est désormais. Un éclair trahit un trait d’incrédulité ébranlant la blanche voile.
Invulnérable ? Non, il ne l’est pas. Il est faible, et maintenant la mort
les bras ouverts l’attend. Il a la force de ne pas céder à ce tentant abandon. Un
regain de vigueur et il refait surface, voulait-elle l’emporter ? Ce n’est
que partie remise, mais remise entre les mains de son incertain destin.
Que d’humilité nos rêves se
parent, afin qu’ils ne nous détruisent.
Le ventre écailleux se soulève
doucement et retombe. Elle dort. Le soleil est haut dans le ciel et lance des
reflets aveuglants sur l’énorme panse. Que va-t-il sortir de ses entrailles ?
Une lame d’acier en surgit et rompt le calme et la douce quiétude de ce beau
jour d’été. Le vent hurle, comme en écho à une terrible souffrance. Les nuées
se concertent, épaississant l’air et assombrissant le bleu abdomen. Furieuse
qu’on l’ait réveillée, elle se dresse de toute sa hauteur et s’abat lourdement
sur la terre, fracassant tout sur son passage. En chœur avec le souffle
virevoltant, elle rugit pour rappeler sa puissance à tous les mortels. Nul
n’aurait osé contester sa supériorité suprême. Après plusieurs heures de
tourmente, elle se retire avec une indifférence non feinte pour les corps et
les cœurs que derrière elle elle laisse brisés. Elle se pare de riches habits
rouge et or avec l’arrogance d’une jeune fille, et vient s’asseoir devant
l’astre du jour déclinant. Elle se sait sublime et s’en rengorge, fière et en
droit de l’être. La chaude nuit enfin l’enveloppe d’une obscure chape et elle
s’assoupit, une étoile au doigt.
Que les mortels profitent de ce
répit, avant la prochaine tempête.
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