mardi 7 janvier 2014

Conte- Le Lotus d'Or

Le Lotus d’Or

Il était une fois un royaume où jamais le soleil n’était venu. La pluie régnait en maître sur ces terres où rien ne réussissait à pousser où le vent et les nuages balayaient sans cesse les plaines vides.

Dans l’enceinte des murs du petit village d’Horn, situé en plein cœur du royaume, le vent ne passait pas mais le froid y sévissait tous les hivers.
Seule une femme avait le courage de sortir en cette saison ; elle s’appelait Anne et rêvait depuis toujours de sentir un rayon de soleil caresser sa peau. Chaque jour, elle priait près de la fontaine du village, les mains sous l’eau claire et les yeux fermés. Chaque premier du mois, elle déposait un lotus dans le bassin blanc. Elle espérait qu’Hélios, le dieu du Soleil, entendrait un jour ses prières et chasserait les nuages. 

Anne eut une fille, qu’elle éleva avec amour et tendresse pendant deux ans. Elle l’avait baptisée Hélia, en hommage au dieu du Soleil.
Un jour, au cœur de l’hiver le plus froid qu’Horn n’ait jamais connu, Anne sortit pour sa prière. L’eau de la fontaine était gelée, et la neige recouvrait tout. La jeune femme ne supporta pas le grand froid, et mourut sans jamais avoir vu le soleil, si ce n’est à travers les cheveux dorés de sa fille.

Hélia fut très triste, mais les villageois s’occupèrent bien d’elle, et bientôt elle devint une belle jeune fille. On lui dit que si l’eau de la fontaine portait maintenant bonheur et sentait aussi bon, c’était grâce à sa mère.
Un jour d’été, alors qu’il faisait lourd et que l’orage menaçait, Hélia alla auprès de la fontaine pour prier. Les villageois avaient raison, l’eau embaumait le lotus. Elle priait pour retrouver son père, elle priait pour le soleil, elle priait pour que sa mère reposât en paix.

Brusquement, le vent se leva. Les volets d’une grange claquèrent violemment, un corbeau croassa au loin. Et un fantôme apparut, du moins une forme blanche lumineuse. Avant qu’Hélia n’ait eu le temps de réagir, le fantôme parla.
- Hélia... J’ai été emprisonnée dans la fontaine par Éole, le dieu du Vent.
La jeune fille reconnut immédiatement cette voix.
- Maman… murmura-t-elle, une main devant la bouche.
- Trouve le Lotus d’Or, ma chérie. Lui seul pourra me libérer. Reviens ici à minuit, dans trois jours.. Plonge le lotus dans l’eau, cela devrait suffire.
Je te fais confiance…
Sur ces mots, le vent cessa de siffler, les corbeaux de croasser ; l’orage était parti, tout comme le fantôme d’Anne.

Le lendemain, Hélia alla interroger les gens du village sur le mystérieux Lotus d’Or. Le boulanger ne savait rien, pas plus que le cordonnier, et ni l’épicier ni la poissonnière n’en avait entendu parler.
Hélia alla même déranger le vieil ermite qui vivait dans une cabane en bois à l’écart du village, mais il ne connaissait rien à ce sujet.
Après deux jours de recherches vaines, elle alla s’adosser à un mur sale, désespérée.
Du coin de l’œil, elle vit quelqu’un s’approcher de la fontaine, au centre de la grande place. Hélia tourna la tête.

Un homme d’une bonne quarantaine d’années, les cheveux mi-blonds mi-blancs, s’assit devant l’eau pure et y plongea ses mains. Il but longuement, puis pria.
La jeune fille se cachait derrière l’atelier du forgeron. Qui que ce soit, il devait connaître sa mère. Il avait la même façon de prier, joignant les mains sous l’eau jaillissante de la fontaine et fermant les yeux.
Hélia resta un long moment sans bouger. Elle allait repartir quand l’homme se releva. Il avait déposé un lotus rose dans le bassin. C’était certain, il pouvait l’aider. Elle bondit hors de sa cachette. 

L’étranger la regarda, surpris. Il s’enfuit alors dans les ruelles sombres du village. Furieuse, Hélia courut à sa poursuite, rompant le silence du soir tombant.
- Attendez, je vous en prie !
Elle faillit à plusieurs reprises perdre sa trace. Enfin, l’homme entra dans une maisonnette branlante. Hélia hésita. Cela ne se faisait pas d’entrer chez les gens.
Seulement, cet homme était son seul espoir. Elle ouvrit la porte.
- Pourquoi fuyez-vous ? demanda-t-elle avec colère.
L’homme lui jeta un regard noir.
- Excusez-moi, reprit-elle. Je suis Hélia, la fille d’Anne, celle qui priait devant la fontaine. La connaissiez-vous ?
Ses yeux s’arrondirent d’étonnement.
- Oui. En réalité, je l’ai épousée.
- Alors, vous êtes… comprit brusquement Hélia.
- En effet, je suis ton père.
Il ouvrit ses bras, et la jeune fille vint s’y blottir.
- Oh Papa, je priais pour te revoir ! Je te croyais parti pour une autre ville !
- Hélia…
Il lui caressa les cheveux.
- Papa, sais-tu qui possède le Lotus d’Or ? Le fantôme de Maman est prisonnier de la fontaine. C’est le dieu des vents, Éole, qui l’y a enfermée. Ce soir à minuit, il faut plonger la fleur dans l’eau de la fontaine. 
Le père d’Hélia fouilla dans un tiroir, et en sortit le Lotus d’Or sous les yeux ébahis de sa fille.
- C’est moi qui l’ai forgé. C’était un cadeau pour ta mère.
- Incroyable ! Pourquoi ne me l’a-t-elle pas dit ?
- Je n’ai pas eu le temps de lui offrir. Allons-y maintenant !

Ils coururent jusqu’à la fontaine. Ils plongèrent ensemble le Lotus d’Or dans l’eau. Celle-ci devint dorée, et le Lotus disparut de leur vue. Soudain, la plus improbable des choses arriva : un rayon de soleil vint éclairer la fontaine. De l’eau s’éleva alors une poussière d’or : c’était Anne. Les particules reformèrent un instant son visage, et elle leur sourit avant de s’envoler dans le ciel ; vers le soleil.
Hélia prit la main de son père, et tous deux regardèrent avec amour le rayon miraculeux.

Depuis cette nuit, le soleil brille haut dans le petit village d’Horn, et on dit que la fontaine a toujours une douce odeur de lotus.





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