mercredi 11 juin 2014

Lettre à une amie

ELAEROB Aurore
6, allée Chromatique
53700 PANSELINOS
DELETTRE Mia
32, rue des Lucioles
53400 PERNAS
Lettre à une amie

À Panselinos, le 15 août 2014

Chère Mia,

J’espère que tu te portes au mieux. Depuis la fête de la peinture où nous sommes allées ensemble, je ne cesse de faire le même rêve. Habituellement, il n’a pas de fin : mais ce matin, j’y ai eu droit. Voici donc l’histoire telle que je l’ai ressentie, j’espère que tu parviendras à pénétrer l’ambiance si particulière de ce songe.

Je marche sur la route sombre. La lune blanche me regarde, je suis seule. L’écho de mes pas résonne. Soudain, une tache rouge éclate sur le noir goudron, disparaît. Je cligne des yeux. Ai-je rêvé ? Une rouge, une bleue. De nouveau. Un battement qui lentement pulse dans mon être, tribal tambour. Magenta, cyan, jaune. Les spots éclaboussent les murs de couleur, bondissent en choeur, entraînent un air de flûte avec eux. Une guitare sillonne le vent, s’accorde au rythme qui s’en trouve complexifié. La terre me semble vibrer de vie, comme jamais auparavant. De l’arc-en-ciel jaillissent de serpentins rubans qui s’enroulent en feux de joie.

Mon corps danse, je ne peux m’en empêcher : chacun de mes gestes est naturel et saisi dans la musique. Un poignet qui se tourne, une hanche qui se balance, un pied qui sautille. La mélodie, c’est moi. Si cela n’avait été un rêve, sans doute aurais-je été éreintée, haletante, le pouls battant à mes tempes. Mais ici, rien ne m’empêche de danser : le temps s’est étiré à l’infini. Possédée par le diable de l’entraînante farandole, je claque des mains au-dessus de ma tête, le sourire aux lèvres.

Une à une, les étoiles se décrochent, comme soufflées par un enfant céleste. Se brisant en milliers d’étincelles, elles illuminent brièvement la nuit colorée. Je me retrouve parée d’une robe d’or me cintrant la taille et retombant en panache vaporeux de dentelle sur mes pieds. La soie bruisse et virevolte, accompagne mes mouvements, reflète les carmins, les verts et les bleus. Un violon vient se mêler à la fête. La lune éclatante rit maintenant avec moi, je vois le son cristallin s’élever dans le ciel en cascade inversée.

Surprise : mes pieds décollent du sol. Je sens en moi une force invisible qui m’attire vers le haut, je me tends toute entière vers le ciel en fermant mes yeux pour pleinement profiter de cet instant fabuleux. J’effleure de la plante le soyeux berceau lunaire, m’y allonge doucement. De là-haut, le monde est bleu et l’écho de la musique lointain. Me berçant de ses bras d’argent, l’astre de la nuit veille sur moi. Ses mains m’accrochent une parure de diamants au cou avec délicatesse. Chaque pierre est un souvenir heureux ; il y en a tellement !

Dans le reflet de l’un d’eux, un visage se dessine. Une jeune fille radieuse y sourit, entourée par la chaleur de l’été et un champ d’oliviers : toi. Je plonge avec délice dans la mémoire. Disparue la route éclatante, envolée la lune blafarde : seule ma robe dorée et le collier étincelant me rappelle mon passé. Tu es là, belle et enjouée, tu prends mes mains et me fait tourner sur moi-même. Je t’embrasse sur la joue, revivant ce moment avec plus de bonheur qu’on ne saurait imaginer. Une amitié véritable est le plus beau des trésors.

Je me suis réveillée avec mon cœur tout épanché de plaisir, mais une pointe d’amertume ne pouvait s’empêcher de constater que ce n’était pas réel. Je tentais de capturer ces instants, de me rendormir pour quelque temps : impossible, la magie s’était évaporée. La frustration menaçait de poindre le bout de son nez : et j’ai compris que le rêve, c’était d’avoir une amie comme toi.

Merci infiniment pour ce partage,
Ta meilleure amie qui t’adore :

Aurore.


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